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  • L'altra verità, un très beau livre d'Alda Merini

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    Alda Merini a connu l'enfer de la psychiatrie. Internée en 1965 à la demande de son mari, elle ne sortira que dix ans plus tard des brumes de cet univers clos sur lui-même. Cet enfermement l'a à jamais meurtrie dans sa chair, mais l'auteure en fera, pour ainsi dire, l'expérience fondatrice, celle à partir de laquelle s'ouvrent tous les possibles, comme d'immenses fenêtres sur l'horizon. Une vie pleine de ruines, c'est encore une vie, c'est mieux que pas de vie du tout, semble nous dire la grande mélancolique de Milan dans son très beau « journal de captivité », L'altra verità. Diario di una diversa. Dans une langue éclatante de poésie, Alda Merini relate sans fard sa traversée du cachot. Elle subit les électrochocs, elle connaît l'abrutissement dû aux trop fortes doses de médicaments, ses nuits sont saccagées par les cris des autres. Elle se sent bien souvent veuve d'elle-même (vedova di me stessa, écrit-elle). Et pourtant, en elle, subsiste une flamme invincible. C'est ce qu'elle appelle l'esprit initial, ou encore l'esprit d'enfance. Celui dont elle est persuadée que rien ni personne ne peut le corrompre (« è ben difficile uccidere lo spirito iniziale, lo spirito dell'infanzia, che non è, né potrà mai essere corrotto da alcuno »). C'est un peu lui qu'elle retrouve à chaque fois qu'elle va se promener dans le parc qui entoure l'hôpital. Ici, elle a l'impression de côtoyer un reste du jardin d'Éden. L'herbe verte lui enseigne la confiance, les fleurs et les petits ruisseaux dessinent des miracles étincelants, posés comme des soleils sur un quotidien ravagé. Une part d'Alda Merini demeurera à jamais protégée des souillures de l'enfer. Elle s'éprend d'un autre patient, Pierre, et elle consacre des pages merveilleuses à cet amour qui ne prendra jamais corps dans la réalité. Une profonde mélancolie irrigue cette poésie somptueuse de féminité. Car Alda Merini fut femme jusqu'à la pointe de sa plume. On perçoit dans chacun de ses mots, et surtout dans ses poèmes, une sensualité ardente.

     

    Plus tard, l'auteure deviendra l'une des figures mythiques du quartier des Navigli, à Milan. Elle aimera passer des heures au bistro, à écouter les uns et les autres, à réchauffer son âme à celle d'autrui. Elle aimera boire des cafés, fumer des cigarettes, se nourrir de la vie comme elle va et ne va pas toujours, afin d'écrire, d'écrire encore et encore, jusqu'à épuisement. Dans des interviews un peu tristes, elle se plaira à répéter que si elle écrivit tant et tant de pages sur l'amour, c'est simplement parce qu'elle ne le connut jamais réellement. Alda Merini, la grande amoureuse privée d'amour. Toute son œuvre nous susurre ce vide et, en même temps, cherche à le combler.