Chronique d'hiver, de Paul Auster
Chronique d'hiver, de Paul Auster, c'est une autobiographie qui passe par le corps, ses meurtrissures, ses cicatrices, mais aussi ses jouissances et ses gourmandises. L'écrivain américain explore son passé de façon originale : à travers ce que son organisme a éprouvé depuis la plus tendre enfance. Des visages défilent à tour de rôle, des êtres ressurgissent, qui furent aimés ou non. Certains se sont enracinés dans la vie de l’auteur : un fils issu d’un premier mariage malheureux, sa seconde épouse, Siri Hustvedt, et la fille qu’ils ont eue ensemble. Paul Auster écrit des pages magnifiques sur sa femme. Trente ans d’amour, c’est l’amour fol et plus encore ! A soixante-quatre ans, Paul Auster est toujours capable de s’émerveiller de la seule présence, à ses côtés, de cette femme aimée. On les sent unis par une profonde complicité. De lui, elle sait ou devine des choses qu’il ignore lui-même. D’elle il tire régulièrement chaleur et réconfort. Elle seule parvient à l’apaiser réellement lorsqu’il se sent paumé en cette vie. Et ce n’est pas rare ! Il décrit sans fard les épreuves qui l’ont marqué : la mort de ses parents, par exemple. Il ose dire sa faiblesse et c’est en cela qu’il tend la main au lecteur, sans le savoir. On se sent moins couard : ce que nous éprouvons face aux catastrophes qui parfois s’abattent en cascade sur nos têtes, Paul Auster l’a ressenti avant nous.
On trouvera également, dans cette belle Chronique d’hiver, des passages déchirants sur le vieillissement et ce qu’il nous faut abandonner chaque jour de notre armure et de nos attachements divers et variés. Tenter de mourir aimable, telle était l’ambition de Joseph Joubert, et Paul Auster la fait sienne. Il sait que le pari est difficile, la tâche ardue et âpre, il prend en compte tous les aléas qui peuvent nous rendre un peu grincheux sur nos vieux jours : la dégradation, la dépendance vis-à-vis d’autrui, la dégringolade en enfance.
Cette autobiographie a quelque chose de vivifiant. Mêlant à la fois le sublime et le douloureux, elle est, me semble-t-il, une ode à la vie et un chant de gratitude.