Die Nacht, die Lichter, Clemens MEYER
Peut-être avez-vous vu le film Une valse dans les allées, tiré de la nouvelle In den Gängen, de Clemens Meyer ? Moi oui. Depuis, l'idée de lire cet écrivain me titillait. Je voulais savoir comment une nouvelle avait pu donner naissance à un film quand même relativement long. Je viens de terminer In den Gängen et j'ai un bout d'explication : là où le film montre, le livre ne fait que suggérer. C'est assez formidable : on sent que Clemens Meyer parie sur la sagacité de son lecteur, on devine qu'il compte sur sa capacité à démêler les sentiments des uns et des autres, ce qui les pousse les uns vers les autres, ce qui les éloigne irrémédiablement. C'est beau, percutant, sans fioriture aucune. La langue est quotidienne, sans apprêt, et pourtant, elle crée à elle seule des ambiances dont le lecteur ne parvient pas de sitôt à se dégager.
Dans la foulée, j'ai lu, dans le même recueil, les nouvelles Die Nacht, die Lichter et Der kleine Tod. Même atmosphère un peu perturbante. Beaucoup de choses se jouent dans la pénombre. Quelle histoire lie les deux protagonistes de Die Nacht, die Lichter ? On ne le saura pas exactement. Il y a sans doute eu de l'amour entre eux, des années auparavant, mais tout cela reste flou, on ne peut que supputer. Seules quelques phrases brisent légèrement l'énigme. Et encore, on n'est sûr de rien. Pourtant, cela prend, et on n'a plus envie de lâcher ces êtres entre lesquelles une fêlure s'est nouée. Elle semble penser vie commune, lui n'envisage qu'une chose : la fuite. Une manière subtile de montrer que les désirs des êtres concordent rarement ? Et cette obscurité qui n'en finit pas de nous poursuivre page après page, ne serait-elle pas celle qui habite toute existence ?
D'après le peu que j'en sais, les personnages de Clemens Meyer aiment à frôler les marges, voire à les côtoyer dans les grandes largeurs. On sent des brisures sous les peaux, peut-être aussi des larmes qui n'ont pas réussi à couler. En lisant Meyer, on pense (enfin plutôt : je pense) à la faune tourmentée qui hante les chansons de Thiéfaine. Et je me sens en territoire familier. Tous ces êtres dont le quotidien est fait de trois fois rien et pour qui, parfois, une lumière s'allume tout de même (dans le regard de l'autre, dans un moment d'absence ou, à l'inverse, d'intense présence au monde), ne sont-ils pas un peu nous ?