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Les Rêveurs, d'Isabelle Carré

On la dit lumineuse et discrète. Elle a effectivement quelque chose d'un ange qui passe. Elle semble faite pour le bonheur, mais ce n'est, ainsi qu'elle l'écrit, que la partie émergée de l'iceberg. En elle, des fracas, des secousses, des incertitudes qui ont fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. Dans sa vie, des complications multiples et variées, comme nous en connaissons tous à plus ou moins grande échelle. Dans Les rêveurs, Isabelle Carré dresse une sorte de galerie familiale. Son roman est largement autobiographique, mais il accorde également une place importante à l'imaginaire. Là où il lui manquait des informations, des morceaux, Isabelle Carré a inventé, brodé, recomposé. Les portraits qu'elle nous livre sont parfois surprenants et souvent hors norme. La rencontre de ses parents ? La collision de deux malentendus. Ils auraient tout aussi bien pu ne pas se connaître, et les voilà pourtant, singuliers, un peu perdus, à la tête d'une famille dont ils ne savent pas toujours que faire. Lui finit par oser afficher l'homosexualité qu'il a longtemps cherché à étouffer, elle s'enfonce de jour en jour dans d'indéfinissables brumes qui sont celles qui entourent le chagrin. Elle s'efface, elle s'absente de sa propre vie, elle tire un trait sur elle-même. Elle sculpte des femmes qui ont toutes une étrange particularité : elles n'ont pas de bras. Pas de bras pour enlacer, pas de bras pour materner. C'est comme le symbole d'une impossibilité à embrasser un monde trop vaste, trop ennemi. Isabelle, sa fille, cherche à communiquer avec elle, à la rejoindre en ses brumes, mais ne fait que s'y meurtrir.

Qu'est-ce qui nous sauve de ce qui nous blesse ? Qu'est-ce qui, dans un parcours, fait que l'on achoppe, puis que l'on rebondit malgré l'épuisement ? Que reste-t-il de l'enfance une fois que l'on parvient à l'âge adulte ? Ces questions traversent le livre en filigrane et lui donnent une certaine gravité. Les contrepoids ne manquent pas et Isabelle Carré évoque également tout ce qui lui procure de l'air et la fait vibrer : ses enfants, le cinéma, ces « autres vies que la sienne » qu'elle ne se lasse pas de jouer. Elle refuse de croire qu'avec le temps tout s'en va. La preuve : ce livre, qui retient en ses pages des souvenirs qui ne pourront plus s'évaporer. On s'attache à tous ces êtres que l'on croise sous la plume de l'auteure, on se reconnaît dans leurs fêlures, on sent qu'ils ont quelque chose à nous dire. Peut-être que leurs trajectoires un peu cabossées qui finissent par se redresser tant bien que mal veulent nous susurrer des mots réconfortants ?

Adolescente, Isabelle Carré noircissait des pages et des pages dans son journal. Elle ne sait pas très bien pourquoi elle abandonna ensuite l'écriture pendant vingt ans. Pour s'y remettre de plus belle. Et nous offrir ce joyau.

 

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