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  • "Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe"...

     

    Une de mes amies, grande lectrice elle aussi, me disait dernièrement qu'elle considérait que chaque livre lui apprenait des choses et contribuait à affiner sa vision du monde. Cette idée me titille fortement depuis. Je crois moi aussi que « chacune de nos lectures laisse une graine qui germe », comme l'écrivait si bien Jules Renard. Et puisqu'il a formulé merveilleusement cette idée, à quoi bon se creuser les méninges afin de trouver une autre tournure qui dirait à peu près la même chose en moins bien ?!

    Aujourd'hui, mon idée de billet est née de ma conversation avec l'amie dont je parlais au début. Que m'ont apporté mes dernières lectures ? J'ai lu récemment une biographie d'un chanteur allemand que j'admire beaucoup, Rio Reiser. Le livre (Halt dich an deiner Liebe fest) est écrit par son frère, Gert Möbius, et retrace le parcours d'un artiste bourré de fêlures, écorché vif jusqu'à la moelle. Que m'a appris cette biographie ? Une chose essentielle, qui paraîtra sans doute banale, mais n'est somme toute pas si facile à appliquer, à savoir que dans la vie, il ne faut se laisser guider que par ses seules aspirations. Dans les années 70, Rio Reiser fut le chanteur vindicatif du groupe Ton Steine Scherben, qui enjoignait ceux qui l'écoutaient de mettre par terre ce qui les mettait par terre, histoire d'inverser la cruelle courbe des événements, et qui criait haut et fort « keine Macht für niemand ». Rio Reiser fut dès lors vu comme le chantre de la révolte en marche vers la révolution. Sauf qu'il devait bifurquer totalement quinze ans plus tard et se lancer dans une carrière solo, se mettant alors à écrire des textes très intimes, souvent trop sirupeux aux oreilles de ceux qui l'avaient porté aux nues du temps de Ton Steine Scherben. Rio Reiser ne se laissa pas démonter par cette soudaine désaffection. Il voulait suivre la route qu'il sentait être la sienne : celle d'un romantisme un peu guimauve, cheveux au vent, le cœur qui se tord quand l'être aimé ne donne pas de nouvelles. Plus tard, il justifiera ce virage à 180 degrés en expliquant que le temps emporte les rébellions de la jeunesse et que l'ardeur à crier s'amenuise au fil des années. Certains ne lui pardonnèrent jamais ce qu'ils considérèrent comme un retournement de veste. Qu'à cela ne tînt : Rio Reiser poursuivit son petit bonhomme de chemin, ne se souciant que d'être fidèle à la voix intérieure qui le guidait. Je trouve cela d'un courage remarquable !

    Dans la foulée, j'ai lu Les marées du Faou, de Philippe Le Guillou. J'aime son écriture trempée d'embruns et la manière dont il décrit la Bretagne. Je retrouve cette région (qui est un peu la mienne) à chaque ligne de ce livre. Que m'a appris cette lecture ? Que les lieux où s'ancra notre enfance ne nous quittent jamais. Que les personnages, ternes ou fantasques, qui traversèrent notre histoire à ce moment décisif de notre vie, demeureront nos compagnons jusqu'à la fin. On croisera ici des femmes austères, à la coiffe un peu rigide, et puis d'autres, rieuses, voire délurées. On rencontrera des hommes usés par un travail trop rude, des taciturnes et des causants, sentinelles d'une époque et d'un monde révolus. Pas tout à fait morts puisque rendus à la vie pour quelques pages par un Philippe Le Guillou soucieux de brosser des portraits vivants de ceux qui marquèrent son parcours !