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L'écharpe rouge, d'Yves Bonnefoy

On ne sait pas toujours ce qui décide d'une vocation. Cela peut être trois fois rien. Peut-être même un malentendu. Parfois aussi, ce sont des méandres complexes qui, hier, ont fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui. On peut les « remonter » pour tenter une immersion dans les origines. C'est ce que fait Yves Bonnefoy dans L'écharpe rouge. Dans ce récit, il revient sur tout ce qui l'a poussé à écrire. Les souvenirs reviennent en abondance et s'entrechoquent dans une succession haletante. D'abord, il y eut ce père qui, notamment à la fin de sa vie, préférait le silence aux mots. Sans doute parce qu'il respectait infiniment ces derniers. Ensuite, il y eut cette mère qui offrit à son fils un abécédaire assez sommaire. De ceux qui appellent un chat un chat, sans chercher à aller plus loin que le bout de cette lorgnette. De quoi aiguiser l'appétit et l'imagination de l'enfant qu'était Yves Bonnefoy.

Plus tard, il sera celui qui ne pourra se borner à appeler un chat un chat. Il sera (et ça c'est moi qui le dis) le poète de toutes les élégances, parfois ardues. La poésie de Bonnefoy requiert qu'on s'y plonge, non pas la tête la première, mais plutôt le cœur le premier, en oubliant tout ce qu'on a lu auparavant ! Elle ne se donne pas facilement, mais quand elle se donne, c'est pur bonheur. Ce poète m'accompagne depuis de longues années. Parfois je l'oublie un peu. Toujours j'y reviens quand même. Peut-être pour ça :

« C'est la dernière neige de la saison

La neige de printemps, la plus habile

À recoudre les déchirures du bois mort

Avant qu'on ne l'emporte puis le brûle ».

Ou peut-être pour ça :

« Que ce monde demeure,

Que la feuille parfaite

Ourle à jamais dans l'arbre

L'imminence du fruit ! ».

Lorsque j'ai découvert, dernièrement, L'écharpe rouge dans une librairie de Metz, j'ai su que ce livre devait venir prendre place parmi les autres que j'ai et qui semblaient l'attendre. L'écharpe rouge, ce ne sont pas seulement des pages qui empilent les souvenirs et qui interrogent sur le pourquoi et le comment d'une vocation, c'est aussi une lettre d'amour adressée à des parents qui ne sont plus, mais dont la rencontre recela suffisamment de magie pour qu'il en rejaillisse un peu sur leur descendance.

D'une certaine manière, Bonnefoy semble avoir écrit toute sa vie pour combler les blancs : blancs nés des longs silences de son père, blancs nés d'un abécédaire un peu trop péremptoire, un peu trop réaliste. On ne peut que remercier, en tant que lecteur, les circonstances qui décidèrent d'une exquise vocation !

 

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