Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Fugitive parce que reine, de Violaine Huisman

    "Il faut pardonner à ses parents si l'on veut pouvoir porter sur eux un regard plus précis". Violaine HUISMAN

     

    Voilà le portrait d'une femme tour à tour solaire et enténébrée ou étant parfois les deux à la fois, dans un grand foutoir généralisé. Sa vie démarre, comme l'écrit sa fille, Violaine Huisman, sous le signe de la déchirure. À croire qu'elle est de ceux que l'on pourrait ranger du côté de Verlaine, c'est-à-dire de ceux qui reçurent « bonne part de malheur et bonne part de bile ». Comment se répare-t-on d'une blessure originelle qui ne cesse de nous matraquer ? Peut-on s'en délivrer totalement, notamment quand d'autres viennent, par la suite, l'alourdir ? Née d'un viol, Catherine Cremnitz se construira comme elle pourra sur le gril d'un destin chahuté. Elle cherchera son identité et sa raison d'être dans toutes sortes de vertiges : l'alcool, les médicaments, les projets dont la loufoquerie extrême ne les empêchera pourtant pas d'aboutir (un réel tour de force), l'amour aussi. L'amour qui la fracassera bien souvent. Mais il en est un qui lui deviendra planche de salut et raison de vivre : l'amour maternel. C'est comme un grand souffle qui viendrait faire une trouée d'espoir sur une vitre embuée et dévoilerait un horizon par-delà le brouillard. Les deux filles de Catherine, Elsa et Violaine, naissent à deux ans d'intervalle. Elles grandissent dans le chaos et semblent l'accepter. Jamais elles ne jugent leur mère qui déraille un peu, beaucoup, à la folie. Elles s'habituent aux montagnes russes qui font le tissu de leur enfance. Tantôt leur mère leur fait des déclarations d'amour tonitruantes, tantôt elle les traite de connasses ou de salopes, et pourtant aucun nom d'oiseau ne vient entamer la certitude qu'ont les deux filles d'être aimées. Et puis c'est comme si un accord tacite s'était installé dans les relations de ce petit monde : les filles aident leur mère à rester en vie, tout simplement. Cela leur confère une autre certitude : celle de détenir un « pouvoir fantastique ». Jusqu'au jour où tout s'effondre, où Catherine se retire sur la pointe des pieds, ses beaux pieds de ballerine qui auront finalement si peu servi à la faire danser (une vocation fauchée en plein vol), jusqu'au jour où elle décide qu'elle en a assez, qu'elle a « assez donné ». Assez donné à tant d'autres qui n'ont fait que prendre et meurtrir, assez donné à une vie jamais à la hauteur des rêves qu'elle a suscités.

     

    Fugitive parce que reine, c'est un livre qui ressemble à la femme qu'il célèbre : il est tour à tour solaire et enténébré, parfois les deux à la fois, et toujours porté par un style flamboyant. Un grand moment de lecture. Bien sûr, en tant que lecteur, on retiendra le côté tragique de cette existence jetée à toute allure sur des flots agités, mais on pourra également admirer l'audace et la vivacité d'une femme ayant explosé tous les cadres, toutes les normes, et ayant ainsi donné à ses filles le courage de ne jamais se ramollir dans la banalité !