Martin Eden, de Jack London
Difficile, voire impossible, de lâcher Martin Eden une fois qu'on s'est immergé dans cette lecture ! Et quand on arrive à la fin de ce roman, c'est lui qui ne vous lâche plus. Des scènes vous reviennent en mémoire, une impression vous poursuit, un vague à l'âme, une tristesse... Martin Eden, c'est l'histoire d'un homme issu des bas-fonds qui tente de se hisser plus haut que sa condition. Au moment où le lecteur fait sa connaissance, c'est un peu un ours mal léché, un marin qui a roulé sa bosse en divers endroits du globe. Il sent bruire en lui le besoin d'autre chose. Il est assoiffé de connaissances mais ne sait par où commencer pour se bâtir une culture solide. La rencontre avec Ruth, une jeune bourgeoise rompue aux dîners mondains, étudiante en lettres, va être décisive pour lui. Ruth va le mener vers certains auteurs. Martin tombe éperdument amoureux de cette jeune femme, et le trouble est réciproque. Ruth a bien du mal à se l'avouer dans un premier temps, mais elle finit par succomber au charme de cet homme en qui elle sent de nombreux possibles. Elle va corriger ses défauts de prononciation et de syntaxe. Martin se transforme en élève modèle, soucieux d'apprendre. Mais voilà qu'il se met en tête d'écrire, cela devient une obsession. Ruth ne voit pas cela d'un très bon œil, elle préférerait qu'il se forge ce qui serait à ses yeux (et aux yeux de ses parents !) une véritable situation. Martin s'y refuse, il se voue tout entier à son projet. C'est le phare qui le guide dans la nuit, il ne le perd jamais de vue. Peu à peu, cependant, Martin devient étranger au monde qui l'entoure. Les connaissances qu'il a emmagasinées l'ont certes conduit à lui-même, mais éloigné des autres. Il ne trouve pas réellement sa place parmi les intellectuels qui défilent chez les parents de Ruth. Il ne parvient plus à se sentir à l'aise avec les amis d'autrefois.
Le succès finira par venir, accompagné de sévères désillusions. Une fois la reconnaissance littéraire acquise, Martin devient, comme c'est étrange, une espèce d'idole pour ceux-là mêmes qui autrefois lui fermèrent si souvent leur porte ! On pense à la chanson Les rapaces de Barbara, et l'humanité ne sort pas grandie, loin s'en faut, de ce constat amer...