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  • Géronimo a mal au dos, de Guy Goffette

    Voilà un livre fait à la fois de silences pudiques et de cris désordonnés. Un fils aime son père qui l'aime aussi, mais aucun des deux ne sait comment le dire à l'autre. Le fils est plus doué pour les bêtises que pour les effusions. Le père est plus doué pour les coups que pour les caresses. Il faut replacer les choses dans leur contexte : cet amour-là est d'une autre époque, où déballer ses sentiments au grand jour n'était pas de mise, où un mioche, c'était entendu, était fait avant tout pour obéir.

    Obéir, ce n'est justement pas le fort de Simon. Alors que son père le voudrait pragmatique et bosseur, il est rêveur et porté à la flânerie. À l'école, il adore amuser la galerie, ce qui ravit ses compagnons d'étude, mais n'est évidemment pas du goût de ses maîtres. Il a beau savoir que s'il ne se tient pas à carreau, les gifles pleuvront à la maison, il ne peut s'empêcher de faire le zouave. C'est un truc inné. Il est ce petit garçon haletant qui court à vive allure, saute dans les flaques et ne pense aux éclaboussures qu'une fois qu'elles l'ont taché de pied en cap. Pour les représailles, c'est la même chose : il n'y pense qu'une fois qu'elles sont imminentes. C'est un enfant, quoi, un vrai, qui vit dans l'instant. Et qui, comme tous les enfants, échappe. Se soustrait comme une anguille aux aspirations que l'on aimerait plaquer sur lui. Son père le voudrait la tête sur les épaules, eh bien non, cela ne se passera pas comme ça : il l'aura dans les étoiles, et tant pis si celles-ci sont trop loin. Et même tant mieux. Toute sa vie, Simon sera happé par un ailleurs hypothétiquement meilleur. Alors que son père ne décollera jamais de son fauteuil élimé, lui, toujours il ira frôler les lointains. Le vaste horizon le démangera sans cesse. C'est de là qu'il enverra des cartes postales, après avoir quitté le foyer. Des cartes qui ne diront pas grand-chose d'autre que sa mauvaise conscience de ne pas savoir être présent physiquement.

    Guy Goffette a dit de ce livre qu'il était celui dans lequel la part romanesque s'effaçait le plus au profit d'une autre, plus intime, plus autobiographique. Cela se sent dans l'écriture. Simon, le narrateur, est un passeur de mots à qui est confiée la lourde tâche d'en dire beaucoup sans en dévoiler trop. Simon ou Guy, de toute façon, c'est du pareil au même, et tous deux saignent d'une symétrique blessure. Simon ou Guy, c'est une seule et même voix pour dire la douleur de grandir sans tendresse. Une seule et même voix pour laisser enfin éclater un amour fait de rendez-vous manqués. L'écriture, quelquefois, a des vertus réparatrices...