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Enfance, de Tolstoï

 

Depuis que je l'ai découvert, Tolstoï ne cesse de m'étonner et de m'émouvoir. Il m'étonne parce que sa langue est limpide, sans apprêts, et pourtant majestueuse. Sa grandeur réside dans son extrême simplicité. L'écrivain russe dépeint l'âme humaine avec une sidérante économie de moyens. En quelques lignes, il peut brosser le portrait d'un être de la manière la plus juste et la plus précise, sans forcer le trait. Il m'émeut parce qu'il semble toujours prendre fait et cause pour nos fragilités. Il n'accuse pas, me semble-t-il, il constate. Dans Anna Karénine, sa plongée dans les âmes des différents personnages nous mène au plus près de leur vérité. Impossible, une fois qu'on a sondé leurs profondeurs et leurs abîmes, de les condamner.

 

Dans Enfance, nous voilà cette fois témoins (ô combien privilégiés!) de ce que vécut Tolstoï enfant. De ce qu'il fut aussi. Comme tous les enfants, il lui arrive de se montrer cruel, mais il est déjà capable de repentir, ce qui le dispose à faire ensuite amende honorable. S'étant une fois comporté selon lui de façon injuste avec Karl Ivanovitch, son serviteur et précepteur, le voilà pétri de remords. Plus d'une fois, il s'en voudra d'avoir pu offenser des êtres, notamment parmi ceux qui lui étaient les plus dévoués. Il fut parfois un gamin suiveur, s'acharnant sur plus faible que lui dans le seul but d'obtenir les faveurs d'un meneur qu'il aimait, mais il ne se pardonna pas ces écarts. La preuve : des années plus tard, il revient, le cœur contrit, sur ce qu'il pourrait finalement considérer comme des broutilles !

 

La mort de sa mère signe la fin de son enfance. Même son chagrin lui paraît suspect à certains égards. N'en fait-il pas trop pour paraître plus affligé que tous les siens ? Tolstoï ne se montre jamais complaisant avec lui-même. Il s'applique à lui-même la méthode qu'il emploie avec ses personnages : il descend, muni de son scaphandre, en ses abysses, fussent-ils amers. Ne cherchant ni notre compassion, ni notre adhésion, il les obtient pareillement, l'une et l'autre. Il ne se met pas en scène, il se raconte le plus sobrement du monde, et c'est en cela qu'il est, à mes yeux en tout cas, d'une incomparable grandeur !

 

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