Richard Bohringer au Livre à Metz
Il nous revient comme un miracle tremblotant qui aurait traversé mille tempêtes, encore fragile sur ses guibolles. Il arrive dans l'église Saint-Pierre-aux-Nonnains, et c'est le ciel tout entier qui nous fait l'honneur d'une visite.
Ce miracle, c'est Richard Bohringer. Il s'émerveille d'être encore là. Il nous raconte que dans le TGV qui l'a mené de Paris à Metz, il était en extase devant les collines lorraines. « Je ne pensais pas revoir le printemps », nous dit-il. Il revient de très loin, il a même cru qu'il ne reviendrait pas.
Avec fougue, il nous raconte, entre autres, son amour de la musique. Il nous explique que quand il était enfant, il dirigeait la Cinquième Symphonie de Beethoven, tout seul dans le lavabo de sa salle de bain, à Deuil-la-Barre. « Depuis, d'autres ont repris l'affaire », dit-il, et le public éclate de rire. Il nous parle ensuite de ses premiers pas en écriture, des admirations qui le portent depuis des décennies : Antoine Blondin, Jack London, Blaise Cendrars. Ces écrivains-là lui donnent des leçons de modestie. Impossible de se prendre au sérieux quand on les a lus, dit-il, impossible de penser que l'on va révolutionner la face du monde avec ce que l'on fera jaillir de sa plume...
Bohringer nous parle aussi de l'Afrique, et soudain des visions le submergent. Le Mali, le marché de Bamako, le fleuve Sénégal, le Sahel, la générosité de ceux qui n'ont presque rien et le donnent à autrui. Il espère retourner là-bas un jour, l'Afrique a réussi à elle seule à assouvir son besoin démentiel d'aller « voir derrière l'horizon ». Aux dîners coincés entre gens de lettres ou de cinéma, il préfère les vraies rencontres, celles qui allument des étincelles dans vos yeux et vous portent bien plus loin que là où elles vous ont trouvé. Il n'a aucune affection pour les collets montés, les snobinards au nez pincé. Lui, ce qu'il aime, c'est le cul du camion, traîner là où ça sent le cambouis.
Quelque chose de gigantesque vient de se produire en cette très vieille église messine qui nous accueille : Bohringer vient d'offrir un bol d'air à nos âmes.
À la fin, j'échange quelques mots avec ma voisine, qui m'a tout de suite semblé sympathique. Nous nous dirigeons ensemble vers la sortie, puis nous nous arrêtons comme pour mieux capter les mots qui nous viennent. Nous échangeons nos numéros de téléphone, nous nous promettons de nous revoir. Dans la belle nudité de Saint-Pierre-aux-Nonnains, une rencontre vient de succéder à une rencontre, et je me sens pousser des ailes...