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Russendisko, le livre déjanté d'un Russe installé à Berlin !

On peut, à partir des dialogues teintés d'absurde d'une méthode de langue, se mettre à écrire La cantatrice chauve ! Bien sûr, ça, c'est au cas où l'on serait Ionesco. Si l'on est Wladimir Kaminer, ce qui n'est pas mal non plus, on écrira Russendisko et on tirera de son apprentissage linguistique un petit récit bien senti où le burlesque rivalise avec l'insensé ! Kaminer raconte dans le chapitre intitulé Deutschunterricht qu'il aime à se replonger dans deux méthodes qui lui ont permis d'apprendre l'allemand. L'une est russe et date un peu. Elle met en scène un personnage aussi bizarre qu'attachant : le komsomol Petrov. Ce dernier n'en finit pas de s'extasier de la chance qui est la sienne : il apprend l'allemand, ce qui est difficile, mais intéressant. Il habite dans un appartement spacieux et lumineux. Il ne va voir que des bons films au cinéma et jouit de conditions météorologiques toujours merveilleusement douces. L'autre méthode vient tout droit de RDA et vaut elle aussi son pesant de kopecks : ici, il est question de Karl Marx. Évidemment ! Kaminer passe avec délices d'un manuel à l'autre, le plus souvent avant de s'endormir, et l'étrange compagnonnage le poursuit parfois dans ses rêves : le voilà entouré de Petrov et de Karl Marx en personne. Ce dernier se pâme en évoquant son appartement spacieux et lumineux. Il se dit heureux. Le camarade Petrov met son petit grain de sel là-dedans, lui aussi : c'est fou, il a lui-même un appartement tout aussi agréable. Et Kaminer de renchérir : « moi aussi » !

Et puis il y a tous ces personnages loufoques que côtoie Kaminer : un Français qui rêve d'une grande histoire d'amour avec tragédie et tutti quanti, et qui finit par vivre une passion folle avec une femme mariée dont l'époux débarque un jour au beau milieu de tout (et surtout au beau milieu des ébats entre ledit Français et la femme en question !!), un ami qui part en Russie pour y parfaire ses connaissances linguistiques et atterrit en prison, une amie qui se croit envoûtée et ne sait plus à quel (faux) saint se vouer pour éloigner d'elle le mauvais sort. Elle court d'un charlatan à l'autre et nous la suivons dans ses cocasses péripéties !

Et puis il y a toutes ces scènes farfelues qui n'arrivent que dans la vraie vie. Et puis il y a la femme de Kaminer, très présente dans ce livre. Elle vient de l'île de Sakhaline, de la ville d'Ocha plus précisément. Ville dont les trois écoles se trouvent respectivement à côté d'un tribunal, d'un hôpital psychiatrique et d'une prison. Et Kaminer de commenter : voilà un voisinage qui avait un grand effet éducatif ! Nul besoin pour les profs de faire preuve de beaucoup d'autorité : il leur suffisait de montrer d'un geste le bâtiment voisin aux élèves pour que ceux-ci se remettent immédiatement au travail.

Et puis, surtout, il y a Berlin, capitale qu'a adoptée Kaminer, et inversement. Berlin et son foisonnement multiculturel, Berlin et son grain de folie, Berlin et ses artistes ! Kaminer lui fait une belle publicité et donne envie au lecteur de sauter dans le premier avion venu pour goûter l'ambiance de la ville incroyable (que j'aime tant !). Berlin dont le climat convient parfaitement à Kaminer : il n'y fait ni trop chaud en été, ni trop froid en hiver (ne jamais oublier que l'auteur est d'origine russe !!). Et, chose assez spectaculaire pour être mentionnée : pas de moustiques ici, contrairement à bien d'autres villes. En lisant Kaminer, me sont revenus les mots de l'ancien maire de Berlin, Klaus Wowereit : « Wir sind zwar arm, aber trotzdem sexy » (« certes, nous sommes pauvres, mais sexy quand même ! »). Berlin, une ville qui a du chien ! Kaminer, un écrivain qui a du style. Et de l'humour, beaucoup d'humour !

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